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« LETTRE A UNO »

Le rhizome – terme botanique devenu forme topologique de la géophilosophie de Mille Plateaux (1980) de Deleuze et Guattari – se veut une critique radicale du saussurianisme (théories linguistiques dérivant de l’enseignement de Saussure) . Dans une lettre que Gilles Deleuze adresse à son traducteur japonais, il se démarque de la conception saussurienne de la langue et du signe et développe une théorie sous-entendue dans le rhizome, celle de la littérature mineure.

« En premier lieu, le langage n’a aucune suffisance, me semble-t-il. C’est en ce sens qu’il n’a rien de signifiant. Il est fait de signes, mais les signes ne sont pas séparables d’un tout autre élément, non linguistique, et qu’on pourrait appeler les « états de choses ou mieux encore, les « images ». [...]En seconde lieu, l’énonciation ne renvoie pas à un sujet. Il n’y a pas de sujet d’énonciation, mais seulement un agencement, il y a des « procès de subjectivation » [...] c’est une énonciation prise dans un énoncé qui dépend lui-même d’une autre énonciation. [....] En troisième lieu, la langue n’est jamais un système homogène [...]. Une langue est toujours un système hétérogène, ou comme dirait les physiciens, un système loin de l’équilibre. Parmi les linguistes, Labov le dit avec beaucoup de force, et par là renouvelle la lingusitique. Et c’est ce qui, de tout temps, a rendu la littérature possible : écrire loin de l’équilibre, écrire dans sa propre langue comme « dans une langue étrangère [ ..]. »

              Gilles Deleuze – Félix Guattari, Mille Plateaux, Ed. de Minuit, 1980, 185-186