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LES FORMALISTES RUSSES

Les études théoriques sur les récits, soit la narratologie et la poétique constituent un terrain priviligié où la démarche scientifique du structuralisme se prolifère. La narratologie est le domaine qui étudie le récit à partir des présupposés structuralistes et selon une méthode déductive propre à la lingusitique. Dans la prolongation des formalistes russes (école la plus novatrice du 20e siècle, dont l’activité est interrompue par la dictature ; rassemble des critiques tels Eikhenbaum, Tynianov, Chklovski, Tomachevski ou Roman Jakobson, mais aussi des poètes, Maïakovski, Pasternak, Mandelstam), ils cherchent au-delà des œuvre particulières, les lois générales, soit la structure commune des récits.

Liés aux courants d’avant-garde en peinture, en poésie et en musique, les formalistes russes dénoncent l’idée romantique de l’inspiration poétique, prenant l’art pour une « fabrication », un «procédé ». Ils se refusent de recourir à la biographie de l’écrivain ou à une approche psychologique, philosophique ou sociologique. Dans « La théorie de la « méthode formelle » (p. 31-75), Eikhenbaum se plaint des « épigones » qui « transforment la méthode formelle en un système immobile de « formalisme » leur servant à l’élaboration de termes, schémas et classification. » (p. 32) Ils désirent créer une science littéraire autonome à partir des qualités intrinsèques du matériau littéraire » (p. 33). « L’objet de la science littéraire n’est pas la littérature – dit Jakobson – mais la littérarité (‘literaturnost’), c’est-à-dire ce qui fait d’une œuvre donnée une œuvre littéraire. » (p. 37)

C’est en 1966 avec la publication d’un numéro thématique de la revue Communications que l’« Ecole française » s’annonce avec Roland Barthes, A. J. Greimas, Claude Bremond, Umberto Eco, Tzvetan Todorov, G. Genette, Ch. Metz. Le progamme esquissé par Barthes dans Introduction à l’analyse structurale des récits en vue de définir le récit traduit l’intérêt de Barthes pour le particulier à l’encontre d’une pensée générale des formes ou des structures favorisée par les tenants de la narratologie et de la poétique. Car l’idée de la multiplicité des formes du récit revendiquée sera bientôt abadonnée au profit du récit littéraire. Par contre, les recherches actuelles sur la fonction cognitive du récit se réclame précisément de ce début de Barthes :

« [...] le récit peut être supporté par le langage articulé, oral ou écrit, par l’image, fixe ou mobile, par le geste et par le mélange ordonné de toutes substances ; il est présent dans le mythe, la légende, la fable, le conte, la nouvelle, l’épopée, l’histoire, la tragédie, le drame, la comédie, la pantomime, le tableau peint [...], le vitrail, le cinéma, les comics, le fait divers, la conversation. De plus, sous ses formes presque infinies, le récit est présent dans tous les temps, dans tous les lieux, dans toutes les sociétés ; le récit commence avec l’histoire même de l’humanité ; [...] le récit se moque de la bonne et de la mauvaise littérature : international, transhistorique, transculturel, le récit est là, comme la vie. »

Roland Barthes, « Introduction à l’analyse structurale des récits », OC II, 7