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HÉTÉROTOPIES FOUCAULDIENNES

Dans sa conférence de 1967 sur les hétérotopies (autorisée à publier en 1984), Michel Foucault situe sa recherche dans la prolongation de « l’œuvre immense » de Gaston Bachelard. A vouloir dénoncer l’idée de l’homogénéité de l’espace, il tourne, à l’opposé de Bachelard de La poétique de l’espace, vers le dehors « dans lequel nous vivons » pour y découvrir des hétérogénéités topologiques. Il définit l’époque contemporaine – soit la période structuraliste – en fonction de l’espace, comme « l’époque du simultané », « de la juxtaposition », « du proche et du lointain », « du côte à côte », « du dispersé », du « réseau ». Son intérêt porte sur les emplacements qui entretiennent un rapport « curieux », « autre » avec tous les « emplacements » de manière à les suspendre, à les neutraliser ou les inverser. Les deux types d’espace qu’il dinstingue sont les utopies et les hétérotopies.

« Ces espaces [...] qui sont en liaison avec tous les autres, qui contredisent pourtant tous les autres emplacements, sont de deux grands types.
Il y a d’abord les utopies. Les utopies, ce sont les emplacements sans lieu réel. Ce sont les emplacements qui entretiennent avec l’espace réel de la société un rapport général d’analogie directe ou inversée. C’est la société elle-même perfectionnée ou c’est l’envers de la société, mais, de toute façon, qui sont fondamentalement essentiellement irréels.
Il y a également, et ceci probablement dans toute culture, dans toute civilisation, des lieux réels, des lieux effectifs, des lieux qui sont dessinés dans l’institution même de la société, et qui sont des sortes de contre-emplacements, sortes d’utopies effectivement réalisées dans lesquelles les emplacement réels [...] sont à la fois représentés, contestés et inversés, des sortes de lieux qui sont hors de tous les lieux, bien que pourtant ils soient effectivement localisables. Ces lieux , parce qu’ils sont absolument autres que tous les emplacements qu’ils reflètent et dont ils parlent, je les appellerai, par oppositions aux utopies, les hétérotopies. »  

Michel Foucault, « Des espaces autres », Dits et écrits IV, 1984, 755-756

L’expérience mixte relative aux hétérotopies – expérience « mitoyenne » – correspond à l’expérience du miroir à même de porter un déséquilibre à la présence par le regard.

 

Il appelle « hétérotypologie » la description, l’étude de ces espaces différents, dont il établit 6 principes avec des exemples :

1)     les hétérotopies sont présentes dans toute culture sous deux formes :

  • hétérotopies associées à des états de crise (société traditionnelle)
  • hétérotopies de déviation (par rapport aux normes dans la société moderne) : maisons de repos, cliniques psychiatriques ;

2)     une même hétérotopie peut voir sa fonction différer dans le temps : cimetière
3)     l’hétérotopie peut juxtaposer en un seul lieu plusieurs espaces eux-mêmes incompatibles dans l’espace réel : théâtre, cinéma, jardin, tapis
4)     au sein d’une hétérotopie il existe une hétérochronie, à savoir une rupture avec le temps réel : cimetière, foires, villages de vacances ;
5)     l’hétérotopie peut s’ouvrir et se fermer, ce qui à la fois l’isole, la rend accessible et pénétrable : caserne, prison ;
6)     les hétérotopies sont

  • soit des espaces d’illusion : bateau, navire
  • soit des espaces de comprensation : maisons closes, colonies.

Ecoutez la conférence de Michel Foucault sur les hétérotopies !