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NOMADOLOGIE : CRITIQUE DE LA REPÉSENTATION

C’est L’Anti-Œdipe et Mille plateaux qui fournissent le nouveau concept de Corps-sans-Organes (CsO), lequel n’est plus situé dans la profondeur du corps, mais conformément à la psychose s’étale sur la surface : « le plus profond, c’est la peau » (Valéry). Le CsO est un œuf, traversé de gradients, latitudes, longitudes, aux axes qui marquent et situent des intensités et des devenirs. Or, le problème que la psychanalyse (freudienne et lacanienne) n’arrivent pas à résoudre, c’est la psychose. Le sens du discours psychotique, rhizomatique lui échappe complètement, car elle le réduit au conflit œdipien, alors que, au contraire, le délirant investit tout un champ social, l’Histoire. Seulement l’Histoire ignore le point de vue du pychotique (ou du nomade en général), elle ne s’écrit que du point de vue des sédentaires, c’est pour cela que le peuple nomade dont fait partie toute minorité se réclame d’une Nomadologie.

Viennent donc l’artiste, l’écrivain qui – comme dit Proust – « invente dans la langue une nouvelle langue, une langue étrangère en quelque sorte » (Critique et clinique). Cette langue étrangère est sa propre langue maternelle minorisée . Voici les termes du projet « lingusitique » de la littérature mineur : « la limite n’est pas en dehors du langage, elle en est le dehors : elle est faite de visions, d’auditions non-langagières, mais que seul le langage rend possible ». Chaque écrivain est « un voyant », « un entendant », « un coloriste », « un musicien ». Les visions et auditions de l’écrivain se lient à l’Histoire (et non pas au « petit secret sale » investi depuis toujours par la littérature, ou mieux, à un papa-maman ridicule) : elles dessinent une géographie « sans cesse réinventée ». Si, au contraire, il n’y a pas d’invention, plus de devenir, c’est que « le délire retombe à l’état clinique ».

La philosophie de l’art sous-entendue à l’idée de la minorisation va dans le sens d’une anti-représentation. N’est-il pas vrai que pour représenter, on a besoin d’une perspective, d’une distance, alors que ce sujet mineur, le CsO n’arrive pas à « thétiser » sa position, il ne fait pas une vision « optique » des choses, mais en reste au contraire tout ou trop près, dans une vision « haptique ». C’est ainsi que l’artiste ne représente plus de formes, mais des « forces » et prend le pas sur nos affections et perceptions, pour ne créer que des « affects » et des « percepts ».