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ARCHÉ DELA PHOTOGRAPHIE

L’invention technique de la photographie a profondément perturbé les rapports que l’homme entretient avec le monde des signes et a contibué à développer des idées reçues et des confusions à propos de l’image photographique. Dans son livre d’orientation pragmatique, L’image précaire, Jean-Marie Schaeffer recense trois de ces poncifs :

  • celui qui « identifie l’analogie à la représentation »
  • celui qui « pense que l’image photographique est codée »
  • celui qui « ramène le mode de fonctionnement de tous les signes à celui des signes linguistiques »

La démarche pragmatique, à l’encontre de la sémiologie, cherche à saisir l’image photographique au niveau de sa circulation sociale, et admet que l’image photographique est un signe de réception et non un signe de l’émission. En effet, de nos jours, la thèse du statut indiciel de l’image photographique est un « terrain d’entente minimale ». Seulement, il faut comprendre que « ce que l’image montre » ne relève pas de son statut indiciel, lequel renvoie à un « savoir pragmatique » que Jean-Marie Schaeffer appelle « arché » de la photographie, soit un ensemble de savoirs censés faire surgir la dimension indicielle. Il s’agit de la spécificité de l’image photographique en ce qu’elle est l’enregistrement d’une trace physico-chimique. (Schaeffer préfère le terme d’enregistrement au terme tellement usité de reproduction.)

Ainsi l’image entretient un double rapport

  • avec le réel → qui serait de l’ordre de l’enregistrement
  • avec la perception visuelle → qui serait de l’ordre de l’analogie

La définition pragmatique de l’indice implique le caractère non conventionnel, non codé de la relation entre l’image et son imprégnant. La fonction indicielle se réalise par une présentation iconique dont le modèle est le champ de la perception visuelle réglée par la perspective picturale. C’est que « l’analogon photographique n’est ni une image codée, ni l’image objective enfin découverte, mais une image normée ».

Pour ce qui est du statut esthétique de l’image photographique, Schaeffer revendique une émancipation de l’image « de son statut sémiotique natif ». C’est ce qui permet une « orientation créatrice ou réceptive ». A côté des règles ou normes constitutives véhiculées par le savoir de l’arché, s’imposent aussi des normes régulatrices, comme autant de stratégies réceptives qui modalisent la fonction indicielle de l’image. C’est à ce niveau qu’intervient la dimension ethétique.

Alors que l’image picturale (tout comme la littérature) sollicite un recours à des savoirs esthético-historiques, lesquels sont comme une épaisseur culturelle et servent de points de repère dans l’interprétation ou dans l’appréhension esthétique, dans le cas de la photographie rien de tels. Cette « distantiation culturelle », comme l’appelle Jean-Marie Schaeffer, n’existe pas. C’est ce qui dépérit – pour paraphraser Walter Benjamin – dans l’œuvre d’art à l’époque de la reproduction mécanisée. C’est à cause du statut quasi perceptif de la photo, à cause du fait qu’elle est « trop près de nous » que la distance supposée fournir « une épaisseur culturelle autonome » ne se crée pas. Ainsi si l’on suit les propos de Jean-Marie Schaeffer, la photographie doit-elle renoncer à devenir « un objet iconique assimilable à travers une distanciation culturelle ». Elle ne doit qu’être vue.